•  

    Emilien et Louis MAROLLEAU, Rémi COSSON, Pierre BALQUET

     

    Analyse filmique de Camille redouble  de Noemi Lvovsky, 2011

     

     

    Quels sont les effets de sens de ce retour dans le passé ?

     

    I] L'importance du temps

     

    1° Un retour inexplicable dans les « eighties »

     

    La fête, l'alcool, le nouvel An ? Quelle explication pourrait-on donner au retour de Camille, quadragénaire, interprétée par Noemi Lvosvky, dans les années 80, époque où elle n'était encore que lycéenne ? Dans Camille redouble, les événements s'enchaînent à toute vitesse, se précipitent, et les éléments se confondent pour laisser place à un mystère : par quels moyens Camille est-elle parvenue à voyager dans le temps en restant telle qu'elle est ?

     

    Le spectateur est alors plongé dans un récit à la fois étrange, intriguant, mais aussi passionnant, voire surréaliste. Ses anciennes camarades de classe, ses musiques, ses anciens professeurs... Tout paraît authentique, du décor aux personnages secondaires de ce passé. Seule Camille est témoin de ce bizarre incident. Ce passage du XXIe siècle à sa jeunesse, lorsqu'elle était âgée de 16 ans, s'apparente à un film ou une cassette que l'on rembobine, bien que Camille ne rajeunisse pas lors de ce passage.

     

    Au début du long-métrage, l'aventure peut donc être interprétée de deux manières : est-ce un événement incroyable mais bien réel, ou est-ce simplement un rêve de la part de notre protagoniste ?

     

    2° Une émotion redoublée de la part de Camille

     

    On peut ensuite affirmer que Camille, en plus d'être spectatrice de ce voyage dans le temps, en sait long sur le cheminement des événements du récit. En effet, ceux-ci se déroulent comme elle les a connus durant son adolescence, du décès de sa mère à sa liaison avec Eric, son futur ex-mari ( le concept est difficile à saisir), en passant par la révolte dans le cours de français ou encore les répétitions de théâtre encadrées par un professeur hystérique (Amalric quand tu nous tiens).

     

    Ce retour s'affiche pour Camille comme une occasion de retrouver et de ressentir à nouveau d'anciennes sensations comme chérir ses parents, retrouver son lycée ou empêcher sa relation avec Eric (Samir Guesmi), avec qui elle divorcera en 2008. Relation s'accompagnant du rejet et des déclarations successives de non-amour de la part de notre héroïne, ainsi que de l'incompréhension de son futur amant... Le regard de Camille change, évolue, elle fait davantage preuve de tolérance, de respect et d'affection à l’égard de ses parents, en particulier vis-à-vis de sa mère ( Yolande Moreau no comment) à la voix douce et paisible. L'héroïne retrouve alors son bonheur perdu et ce voyage lui permettra d'en garder une trace, notamment avec l'utilisation d'une cassette pour enregistrer la voix de sa mère. Ce n'est pas ici le désir de recréer l'histoire qui donne un effet poétique, mais bien le seul désir [de Camille] de retrouver une dernière fois tous ces éléments, bien qu'elle puisse les anticiper, on assiste ici à un travail de la réalisatrice sur la nostalgie du temps perdu.

     

    3°La cassette, seule trace de ce passage dans le temps

     

    L'enregistrement de la voix de la mère sur une cassette marquera enfin un temps dans la réalisation : comme un instant figé dans le passé, elle permettra à Camille de conserver ce moments de bonheur, mais également de répondre aux questions du spectateur : le genre du film est enfin décidable. En effet, seul ce moment où Camille retrouve sa cassette dans ses affaires, après être revenue dans le présent, nous indique que notre quadragénaire parisienne n'a pas rêvé ni déliré, mais a bien vécu une aventure extraordinaire et magique . La cassette, seule trace de son voyage connote l'idée générale du film qu'est ce désir humain de vouloir rembobiner le cours du temps, pour y redessiner son parcours personnel. De plus, elle indique que le film pourrait finalement s'apparenter au genre du fantastique. Celui-ci ne se base alors pas sur quelque chose de rationnel à l'égard de cette aventure puisque même le professeur de physique, qui a alors vieilli, ne peut donner une explication logique, un raisonnement scientifique ou même une démonstration à propos de ce voyage dans le temps.

     


    votre commentaire
  •  

     

    Lost in Translation de Sofia Coppola

    C'est très agréablement surprise que je persiste à être après le visionnement (enfin) de Lost in Translation, film de 2003, de Sofia Coppola.

    Lost in translation de Sofia Coppola

     

           Le charme de ce film lent et qui ne mène en fin de compte nulle part réside dans sa simplicité et son intensité. Il retrace avec une B.O. pleine de légèreté l'histoire d'un célèbre acteur (joué par Bill Murray) et d'une jeune fille (jouée par Scarlett Johansson) américains se rencontrant à Tokyo, tous deux perdus dans l'ennui. C'est avec brio que Sofia Coppola parvient à nous révéler des personnages très attachants, deux êtres très simples mais dont l'esprit est rempli de réflexions philosophiques. Les plans, les lieux sont souvent les mêmes, ce qui ne déroute pas le spectateur, et le laisse au fur et à mesure de plus en plus proche de ce couple. On apprécie également les fines touches d'humour, notamment en rapport avec la langue japonaise. Ce qui a fait l'unanimité auprès des critiques reste tout de même le jeu d'acteur qui est primordial ici puisqu'il n'y a que celui-ci qui constitue l'action, et les deux acteurs sont à la hauteur (ce rôle a d'ailleurs valu une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur acteur pour Bill Murray).

     

    Bref, vous l'aurez compris, je vous conseille grandement de voir ce film !

     

    Coline Morin

     

     

     

     

     

    P.S. du modérateur : ce film est disponible à la Bibliothèque municipale de Saint-Brieuc (cote FF LOS) ! Pour les thèmes musicaux, Sofia Coppola a travaillé avec Brian Reitzell, qui joue de la batterie pour le groupe Air. C'est d'ailleurs cette formation qui a composé la bande originale de Virgin suicides, le précédent long métrage de la cinéaste.

     


    votre commentaire
  •  

    Je vais bien ne t’en fais pas de Philippe Lioret

     

     

     Je vais bien ne t’en fais pas est une comédie dramatique de Philippe Lioret sortie en 2006 et adaptée du roman d’Olivier Adam.

     

    Il retrace l’histoire de Lili (Mélanie Laurent), une jeune fille de 19 ans, qui apprend à son retour de vacances, la disparition de Loïc, son frère jumeau. Son père (Kad Merad) lui fait croire à une fugue suite à une dispute entre eux. Cependant, le doute plane, et Lili tente désespérément de retrouver son frère.

     

    Dans une atmosphère lente, le film traite de sujets sensibles : le relationnel fort d’une sœur pour son frère, de difficiles relations enfants-parents et le portrait d'une famille déchirée par le mensonge…

     

    Si ce film est porté par l’excellent jeu des acteurs, il puise aussi toute sa force dans la musique. En effet, la bande originale tirée d’un album d’Aaron donne autant son rythme que son sens à l’œuvre.

     

    Il est rare qu’un film soit meilleur que le livre dont il est inspiré. Néanmoins ici, si le roman comporte trop de longueurs, le film lui, ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer. C’est donc un film à voir, à revoir et à écouter…

     

    Précisément j’ai été touchée par ce film car les relations filiales et familiales sont décrites de façon subtile, sans mots, sans descriptions, juste à travers les regards touchants des acteurs. Des regards pleins d’émotions, de tendresse et de doutes qui remplissent les silences. Des silences que la musique amplifie. Tout cela n’est pas dans le livre.

     

     

     

    Bande annonce: http://www.youtube.com/watch?v=O0FLwIp8FLo

     

    Chanson U-Turn (Lili) Aaron: http://www.youtube.com/watch?v=iwVW1brwDsU

     

     

     

    Lénaïg Douton

     


    votre commentaire
  •  



    Même la pluie

     

    Réalisé par Iciar Bollain

     

    Avec Gael Garcia Bernal, Luis Tocar, Carlos Aduviri ...

     

    Sorti le 05 janvier 2011

     

    Durée 1h44

     

    Espagne, France, Mexique.

     

    Ce film a remporté 3 prix dans les festivals et a été nominé 9 fois.

     

    Sur un scénario de Paul Laverty, scénariste de Ken Loach

     

     

     

    Sébastian, un jeune réalisateur, décide de tourner en Bolivie avec son producteur Costa un film sur la reconstitution de l’arrivée de Christophe Colomb et des Conquistadores en Amérique Latine. Avec un faible budget, les deux passionnés sont ravis d'employer des figurants à moindre coût. Malheureusement, tout se complique lorsqu'un des figurants entraîne la révolte contre le projet par une firme de restreindre l'accès à l'eau potable. Leur regard sur le pays change alors.

     

    Un film humaniste extrêmement bien réalisé sur des thèmes sérieux : la révolte des Indiens face aux conquistadores espagnols et la révolte de la population contre les difficultés de l'accès à l'eau courante en Bolivie.

     

    Ce que j'ai vraiment aimé dans ce film, c'est le concept « du film dans le film » avec le retour à la colonisation, le lieu, la Bolivie, l’idée qu'une équipe nous emmène là-bas pour tourner un film , avec des acteurs convaincants dont les personnages évoluent au fil de l'histoire.

     

    Ils veulent tout avoir « Même la pluie » ! Ce cri de révolte sonne juste et nous fait réfléchir : l'eau a plus de valeur que l'or !

     

    Un film humaniste, à voir absolument !

     

    Bande annonce :   http://www.youtube.com/watch?v=4E3GHKOUv7A

     
     

     

    Caroline Padra

     


    votre commentaire
  •  

                             


     We need to talk about Kevin : tu seras un monstre, mon fils !

     

    Une baie vitrée, un rideau blanc fantomatique aspiré par l'air que l'on devine frais sur la terrasse, un très léger mouvement qui perdure pendant de longues secondes... Un voile semblable à la Mort, au passé, un voile de souvenirs ? En tout cas, nous voilà emmenés dans un voyage qui met notre état moral en péril jusqu’à la fin. Mais l'ambiance que transmet l'écran à la salle nous cloue d'avance sur notre siège, et nous ne pouvons nous échapper. L'ascension vers la monstruosité même commence...

     

    Presque dix ans après les succès critiques de ses premiers films, Lynne Ramsay repeint au cinéma l'histoire tragique du roman éponyme de Lionel Shriver (Il faut qu'on parle de Kévin en VF, publié en 2003) inspirée du massacre de Columbine, le 29 avril 1999 (d'ailleurs cité dans le roman). C'est une histoire de haine entre Eva, interprétée par Tilda Swinton (Vanilla Sky, Le Monde de Narnia, L'Étrange Histoire de Benjamin Button, Burn After Reading), et son fils, Kevin, Ezra Miller (Every Day, Californication). Une histoire donc peu banale qui vire au cauchemar lorsque Kevin commet l'impensable. Du point de vue de la mère, le film est construit sur une série de flash-back qui déboussole le spectateur dès la première minute.

     

    Cette haine, Eva ne semblait pas s'y attendre, mais quand le calme quitte sa vie avec l'arrivée de Kevin, elle sent qu'un destin est déjà tout tracé pour son fils. Elle préfère le bruit, les marteaux-piqueurs d'un chantier en ville aux cris de son rejeton, lui, repousse ses approches maternelles. Tout deux se livrent une bataille qui n'aura de cesse qu'avec le coup de folie de Kevin, ruinant leurs deux vies entremêlées. En tant que mère, car c’en est véritablement une, destituée de tout honneur et de tout espoir, Tilda Swinton (Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle dans Michael Clayton) est époustouflante. Elle nous livre la meilleure performance de toute sa carrière et nous perturbe autant que nous l'admirons. Elle est un corps cassé, un visage intrigant, des yeux hypnotisants. Ezra Miller est lui aussi pourvu d'un charme incroyable, et la portée de son jeu est telle qu'on en vient presque à se demander si l'écran est une défense suffisante face au caractère démoniaque de son personnage. Un seul de ses regards nous glace le sang, nous pétrifie. L’œuvre de Shriver était entièrement portée par sa plume. Dans ce film, l'histoire n'a que peu d'importance. Les seuls piliers essentiels sont ces deux acteurs principaux qui, doués d'un talent étonnamment développé pour gêner l'assemblée par une simple démarche, une simple allure, un simple regard, lui font subir au fur et à mesure du temps l'impeccable qualité de leur jeu respectif, épuré de dialogues. Seul comble de ce silence, la musique. La bande originale est simple mais puissante. Et on se souviendra longtemps (je pense) de la séquence d'Halloween, scène en voiture (comme souvent dans le film) inquiétante semblable au clip de la chanson « Wrong » de Depeche Mode où une série de plans sombres est accompagnée par une musique plutôt guillerette d'un cynisme déplacé. Un jeu de musiques qui n'est pas sans rappeler, dans les films toujours à l'affiche, l'indéfinissable parade de la bande originale de La Guerre est Déclarée, qui donne au film toute sa vigueur.

     

    Lors de l'assaut final, Lynne Ramsay nous épargne l'atrocité triviale des mots de Shriver en jouant pleinement des procédés de son art. Elle ajoute par l'image un relief plus aigu au livre, ce qui magnifie le texte. Les deux se lient l'un à l'autre et s'embrasent mutuellement, rendant le film par la même occasion plus accessible aux personnes sensibles. Après le tragique, qu'on pourrait qualifier de point culminant de ce thriller dramatique, vient la chute, qui elle est sûrement bien plus dérangeante que toute l’œuvre visuelle dans son ensemble, chute qui montre la réapparition de l'humanité dans un monde dont on aurait pu croire qu’il en était jusqu'alors dénué. Néanmoins ceux qui n'auraient pas lu le livre seraient tentés à la fin du film de penser que cette mère découvre tout l'amour qu'elle porte à son fils lors de ce magnifique face-à-face final. Mais les plus perspicaces seront moins naïfs et s'apercevront bientôt que ce n'est pas l'amour qui est le fondement de cette histoire, car Ramsay nous livre ici, comme l'avait fait Shriver, la plus platonique des faces cachées de la vie maternelle, le devoir de soutien qui, d'ailleurs, se trouve ici sans soutien apparent d'un véritable amour.

     

    A mon sens, Lionel Shriver avait signé avec Il faut qu'on parle de Kévin le plus grand chef-d’œuvre de la littérature américaine des 20 dernières années. Lynne Ramsay nous en livre avec son film magistral, dérangeant, horrifiant, magique, une adaptation plus que satisfaisante.

     

    Antoine Houérou

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique