• Josef SKVORECKY, Une chouette saison, roman traduit du tchèque par François Kérel, Gallimard, "Du monde entier", 2011.

     



        Voilà l'histoire, simple et cruelle, d'un lycéen du nom de Danny pendant l'occupation allemande, en Tchécoslovaquie, dans une petite ville de province. Trop occupé à jouer du saxo ténor dans un groupe de jazz, Danny a bien du mal à se concentrer sur ses études. Le récit de ses leçons particulières de mathématiques est à cet égard d'une drôlerie sans pareil. Danny, comme tous les garçons, regarde surtout les filles et entreprend de courtiser tout à la fois et en même temps Irena, Marie, Karla-Marie, Kristyna, Alena ...  Non pas que ce jeune garçon soit un don Juan en herbe, soucieux d'allonger la liste de ses conquêtes amoureuses, mais plutôt une sorte de personnage à la Chérubin, amoureux de l'amour, cherchant désespérément à "conclure" avec une fille. Malgré ses tentatives réitérées et ses stratagèmes, il tombe, hélas, le plus souvent sur plus malin que lui ou bien encore sur la vigilance impitoyable des pères de famille veillant au grain. Trois fois hélas !
        Un tel propos serait convenu si on oubliait de souligner l'essentiel : ces mœurs de vie de province et ce portrait d'un garçon si touchant dans sa maladresse sont rapportés avec humour et ironie, dans un élan vital simple mais élémentaire, décrits avec un sens de l'humour qui n'écarte pas une certaine gravité dans la peinture du contexte troublé de l'époque.
        Joseph Skvorecky est considéré aujourd'hui, avec Bohumil Hrabal et Milan Kundera, comme l'un des plus grands auteurs tchèques de l'après-guerre. On comprend pourquoi ici : son récit a la fraîcheur et l'autodérision des premières poésies de Rimbaud comme le révèle le titre original -point n'est besoin de savoir le tchèque pour le comprendre- : Prima Sezona ! Et ce livre a bien tous les charmes des vertes saisons, des premières fois ...


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    Jean Portante, La réinvention de l’oubli, Le castor Astral, 2010

     

                

     

    « Parce que l’oubli est la plus parfaite des mémoires »*. 

     

     

     

    Avant que ne tombe la nuit, il faut prendre rendez-vous avec notre « buveur de mémoire ». Sinon la nuit nous susurrera l’oubli dans le creux de nos oreilles vaporeuses. Voilà où Jean Portante nous mène, dans le creux d’un drap qui se déplie comme l’« accordéon du passé ».

     

    Pourtant l’oubli est tissé de mots, d’un essaim de traces et de poudre parsemée de vie et de mort. Cette poudre s’envole dans le ciel et peint la « lisière des fleuves » à l’horizon. L’oubli se réfugie alors dans les nuages et file avec le vent comme le fleuve du style de Portante. Et les mots déversent cette réflexion sur les souvenirs qui se tapissent sous le lit de notre conscience. Une question s’évade des pages et nous submerge : si nous pouvions choisir quoi oublier, par quoi commencerions-nous ? L’oubli c’est comme un vin de souvenirs, des cendres d’antan, peut-être bien ce cadavre enseveli qu’il faut déterrer pour espérer l’entrevoir. Mais nous ne sommes que wagons, la vie nous regarde passer sur le dernier rail de la nuit. Et puis au final, c’est bien nous, cet « oublieur » « à la bouche pleine d’os qu’infatigablement nous mâchons, avec le goût des décombres en bouche. ». Il faudrait peut-être ouvrir l’un des tiroirs de nos rêves enchaînés aux rochers pour enfin dénicher une égratignure de ce couple de regrets frappés par le couteau du destin.

     

    C’est tout un univers intime qui se déplie à nos pieds où notre mémoire de l’oubli devient une terre à parcourir. Le mythe de l’oubli voyage à travers le Léthé qui dérive et fait de la mémoire un récit factice, des mots qui comblent un vide implacable et pourtant inconscient. Il faut sans cesse rebroder sa mémoire en feignant d’ignorer notre statut d’« oublieur » éperdu dans la masse du néant. C’est avec la recette d’une poésie musicale et fluide que Portante nous offre à déguster nos oublis à travers notre propre mémoire. Des images fugitives, qui se manifestent et s’évadent à l’instar des souvenirs, sont retranscrites fidèlement à travers de multiples anaphores qui offrent un léger refrain à sa poésie. D’obscures métaphores ne demandent qu’aux contingences de frémir face la diversité des interprétations. Chacun peut voir le reflet de sa propre mémoire dans ce canevas d’allusions à la fois mythologiques, oniriques et tout simplement magiques. A vouloir saisir l’ineffable, Jean Portante réussit avec talent à incarner par le souffle immanent des mots l’oubli insaisissable.

     

    Allison Leroux

     


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    Les enfants de la liberté de Marc Lévy

     

     

     

    Ce livre a été écrit en 2009 par un auteur merveilleux qui nous a habitués à un genre  fantastique, pourtant ce livre-là nous plonge dans une réalité douloureuse.

     

    Deux frères, Claude et Jeannot, juifs, vont essayer de vivre lors de la guerre 1939-1945. Ils vont s'engager dans une grande bataille, une lutte que beaucoup pensaient perdue, ils vont faire partie de la Résistance, au risque de se perdre, de perdre leurs amis et le peu de famille qui leur reste.

     

    Marc Lévy, encore une fois, nous touche avec des mots puissants, des répliques d'une beauté sans nom. Il nous fait comprendre le passé en racontant l'histoire d'adolescents qui se sont battus pour la liberté, qui finalement ne voulaient que vivre … Il est aussi délicat dans la peinture des sentiments de ces jeunes gens : ils voudraient pouvoir s'aimer sans avoir peur de se faire tuer. Il nous montre le courage de ces résistants, aussi jeunes soient-ils, lorsqu’ils voyaient leurs amis, leurs amours, leur famille mourir devant leur yeux en criant « liberté ». Le courage aussi de trouver de l'espoir là où il n'y avait presque rien.

     

    Je ne dirai qu'une chose, que ce livre est une belle leçon de vie. Nous réalisons en le lisant que des adolescents de nos âges ont risqué leur vie et sont même morts pour la paix, la liberté que nous cherchons tous. A lire, à relire, à faire découvrir, encore et encore…

     

    Cécile Le Cozic

     


     


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    Dix petits nègres

     



    Agatha Christie a écrit un chef d’œuvre dans le genre du roman policier, Dix petits nègres, qui a fait d'elle un auteur emblématique. Ce livre paru en 1939 a été à l'origine de nombreux films et interprétations.

     

    Une île, la mer, une résidence splendide « vide », le propriétaire est sûrement absent. Tout le monde se pose des questions, ils sont dix à avoir fait leur valise sans se soucier de ce qu'ils allaient trouver à l'arrivée. Ils n'ont aucun point commun, ne se connaissent pas... Le doute s'installe, une inquiétude pèse dans la salle à manger. Pourquoi l’hôte n'est-il pas là ? Qui sont les invités ? Le banquet est servi, ils vont pouvoir se rassasier et se changer les idées. Plus tard, un gramophone s'enclenche et les accuse chacun d’être des meurtriers. C'est la panique. Marston n'a pas peur et dénonce une comédie, boit son verre, s'étouffe et meurt comme l'a annoncé la petite comptine accrochée sur les portes de leur chambre :  « Dix petits nègres s'en furent dîner / L'un d'eux but à s'en étrangler / N'en resta plus que neuf. » Successivement les personnages vont s'éteindre, au rythme de la comptine, sans comprendre...

     

    Ce roman rassemble en lui-même plusieurs sens par son intrigue et son suspense d’où ce surnom donné à Agatha Christie : « la reine du crime ». Les personnages sont rongés par l'angoisse comme des souris mises en cage lors d'une expérience originale. Au début de l'histoire, la comptine est donc pour nous, lecteurs, l'occasion d'une sérieuse réflexion pour essayer de déchiffrer le roman et en particulier pour trouver le coupable.

     

    Une écrivaine qui pousse les limites du réel du fait de la complication des machinations mortelles de l’œuvre. Difficile à décrire et à décrypter, le roman nous renvoie particulièrement dans les dédales de l’île du nègre. Le pire c'est que ça marche ! Un livre à conseiller à tous surtout pour ceux qui n'ont pas d'idées de lecture, c'est un roman policier classique souvent étudié. Il peut donner l'envie de lire.

     

    Ce livre m'a appris les faces cachées des êtres humains et m'a beaucoup plu au niveau du caractère des personnages, tous différents. A lire la nuit !

     

    Mérouane Gautier

     


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    J'aurais préféré vivre de Thierry Cohen

     

     

     

     

    Jérémy aime Victoria à la folie. Mais, cet amour n'est pas réciproque, alors, par désespoir, Jérémy va se donner la mort le 8 mai 2001, le jour de ses vingt ans...

     

    On pourrait croire à un début de roman à l'eau de rose comme tant d'autres, durant lequel les protagonistes, après de longues péripéties, se retrouveraient dans les bras l'un de l'autre. Mais c'est sans compter sur la plume habile de Thierry Cohen qui nous emmène dans une histoire pleine de rebondissements, de mystères, le tout saupoudré de suspense...

     

    En effet, ce qui pour Jérémy est le lendemain d'une tentative de suicide, est pour le reste du monde le 8 mai 2002: 1 an après ce qu'il pensait être le dernier jour de sa vie ! Il apprend alors à découvrir une nouvelle vie: SA vie... Mais comment une telle chose a-t-elle pu se produire ? Pourquoi ne se souvient-il pas de cette année écoulée alors qu'aux yeux de tous il était comme d'habitude ? Tant de questions se posent à ce héros en quête de lui-même...

     

    Le pari de l'auteur est largement réussi ! En effet, celui-ci arrive avec brio à nous tenir en haleine tout au long de son œuvre. Il nous donne une formidable leçon sur la vie, nous montrant que même si on peut toujours y mettre fin, il y a toujours de l'espoir, l'espoir de prendre sa vie en main et de la changer...

     

    Ainsi, Thierry Cohen nous fait entendre un magnifique hymne à la vie au travers de son œuvre.

     

     

     

    Eddy Goyer

     

     

     


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